Phénotypage et caractérisation moléculaire de souches d'Escherichia coli productrices de bactériocines isolées du tractus gastrointestinal de la volaille

Ramzi Guerbaa1,2, Laila Ben Said2, Séverine Zirah3, Karim Ben Slama1, Ismail Fliss2

1 Institut Supérieur des Sciences Biologiques Appliquées de Tunis, Université de Tunis El Manar, 2092 Tunis, Tunisie
2 Institute of Nutrition and Functional Foods, Université Laval, Québec, Québec, Canada

3 Molécules de Communication et Adaptation des Microorganismes, UMR 7245 CNRS-MNHN, CP 54, 57 rue Cuvier, 75005 Paris, France

Contexte et problématiques:

La résistance aux antibiotiques est un problème de santé majeur qui menace à la fois la santé animale et la santé humaine. Les peptides antimicrobiens sont considérés comme une alternative prometteuse aux antibiotiques et ils peuvent contribuer à réduire la pression de sélection et la dissémination de bactéries résistantes.

Objectif:

L’objectif de ce travail est de caractériser des souches d’E. coli isolées de contenus caecaux de poulets de chair en termes de résistance aux antibiotiques, de profil de virulence et de capacité à produire des bactériocines. La corrélation entre la virulence et la production de bactériocines par ces souches a également été étudiée.

Méthodologie:

Un total de 388 isolats lactose positif ont été isolés à partir de 49 échantillons composites de contenu caecal aviaire puis identifiés à l’aide de méthodes biochimiques et moléculaires. Après identification, les isolats ont été criblés par antagonisme direct contre une collection de 10 entérobactéries résistantes aux béta-lactamines. Les surnageants des isolats actifs ont ensuite été criblés pour leur activité antimicrobienne contre les souches E. coli ATCC 25922 et Salmonella enterica Newport ATCC 6269 et deux isolats d’E. coli très sensibles aux surnageants testés. La sensibilité aux antibiotiques de souches sélectionnées en fonction de leur activité antimicrobienne a été caractérisée par des tests phénotypiques. Le génome entier de ces souches a été extrait et séquencé. 

Résultats et discussion

Parmi les 388 isolats, 66 se sont révélés actifs par antagonisme direct. Le criblage à partir des surnageants a permis de sélectionner 21 souches actives et 18 souches non actives. Les tests de sensibilité aux antimicrobiens ont montré un niveau globalement élevé de résistance aux quinolones (85 %), aux tétracyclines (64 %) et aux bêtalactames (94 %). Une souche était résistante à la colistine.

Le criblage du génome à l’aide de l’identificateur de gènes de résistance (RGI) a révélé la présence de  Bêta-lactamase TEM (26/39), Bêta-lactamase CTX-M (7/39), Bêta-lactamase AmpC (11/39), pompe à efflux de la tétracycline tet(A) (1/39), protéine analogue à la quinolone QnrS (3/39), de mutations gyrA et parC (22/39 et 15/39 respectivement avec co-occurrence dans 10/39), amino-acétyltransférase de type 3 (2/39) et les gènes Aminoglycoside nucélotidyltransférase aadA2 et aadA5 (8/39), des gènes de résistance au sulfonamide sul (17/39), des gènes de résistance au triméthoprime dfr (15/39) et des gènes de résistance à la colistine mcr-1 (1/39) avec un pourcentage d’identité ≥95%. Aucun gène de résistance aux carbapénèmases n’a été détecté. Les facteurs de virulence ont été analysés à l’aide de l’outil VFDB. Les facteurs de virulence d’intérêt APEC (Avian Pathogenic E. coli) ont été détectés comme suit: fimA (31/39), iroN (16/39), fyuA (11/39), irp2 (11/39) et papC (5/39). La recherche de grappes de gènes de métabolites secondaires à l’aide d’ANTISMASH a montré la présence de grappes de gènes de biosynthèse des composés suivants: Microcine J25 (5/39), Colicine V (15/39), Microcine C7 (2/39), métabolites sidérophores (7/39), peptides non-ribosomiques (35/39), thiopeptide (29/39) et arylpolyène (5/39).

Conclusion

Les résultats obtenus pourront permettre de mieux comprendre l’implication de la bactériocine d’E. coli dans sa pathogénicité et sa persistance dans la niche caecale aviaire.