Les Ruminococcines C : d’une structure exotique aux propriétés cliniques
Clarisse Roblin1,2, Steve Chiumento3, Christian Basset3, Sylvie Kieffer-Jaquinod4, Cendrine Nicoletti1Cédric Jacqueline5, Lama Shamseddine3, Eric Pinloche2, Iris Veyrier1, Agnès Amouric1, Elise Courvoisier-Dezord1, Hamza Olleik1, Olivier Bornet6, Matthieu Nouailler6, Olga Iranzo1, Marc Maresca1, Michel Fons7Katy Jeannot8, Estelle Devillard2, Yohann Couté4, Nathalie Campo9, Mohamed Atta3, Patrice Pollard9Josette Perrier1, Victor Duarte3 & Mickael Lafond1

1Aix-Marseille Univ, CNRS, Centrale Marseille, iSm2, Marseille, France ; 2ADISSEO France SAS, Centre d’Expertise et de Recherche en Nutrition, Commentry, France ; 3Univ. Grenoble Alpes, CEA, CNRS, CBM-UMR5249, Grenoble, France ; 4Univ. Grenoble Alpes, CEA, Inserm, BGE U1038, Grenoble, France ; 5EA3826, IRS2 Nantes-Biotech, Université de Nantes, Nantes, France ; 6LISM, IMM, Aix-Marseille Univ, CNRS, Marseille, France ; 7Unité de Bioénergétique et Ingénierie des Protéines UMR7281, Institut de Microbiologie de la Méditerranée, Aix-Marseille Univ, CNRS, Marseille, France ; 8Centre National de Référence de la Résistance aux Antibiotiques, Laboratoire de Bactériologie, Centre Hospitalier Universitaire de Besançon, Besançon, France ; 9Laboratoire de Microbiologie et de Génétique Moléculaires, CNRS, Université Paul Sabatier, Toulouse, France.

La multirésistance des microorganismes aux antibiotiques représente aujourd’hui un problème majeur de santé publique pour l’homme et pour l’animal. Aussi, la découverte de nouvelles molécules antimicrobiennes pour lutter contre les souches bactériennes résistantes aux antibiotiques est devenue aujourd'hui une priorité mondiale. Les peptides bactériens synthétisés par voie ribosomale et modifiés post-traductionnellement (RiPPs) et possédant une activité antibactérienne, également appelés bactériocines, font partie de cette nouvelle génération prometteuse de peptides antimicrobiens (PAM). Dans ce contexte et en explorant la capacité de symbiontes intestinaux humains à produire des bactériocines, nous avons découvert puis produit un nouveau RiPP secrété naturellement par la bactérie Gram-positive dominante Ruminococcus gnavus. Après avoir caractérisé in silico le cluster de gènes de biosynthèse de la Ruminococcine C (RumC) impliqué dans la biosynthèse de cinq isoformes de RumC (RumC1-C5), dans leur maturation, leur export et le système d’immunité associé, nous avons réussi à isoler ces cinq isoformes in vivo en utilisant un modèle de rat mono-associé à la souche productrice R. gnavus E1. Parallèlement, nous avons également produit les RumC1-C5 recombinantes en utilisant la plateforme d’expression hétérologue Escherichia coli. Une caractérisation approfondie à l'aide d'approches moléculaires et structurelles et l'étude de leur voie de biosynthèse ont révélé que les RumCs présentent quatre ponts thioéthers introduits par une enzyme de maturation à Radical-SAM. Une telle modification post-traductionnelle

confère à RumC1 un repliement structurel non décrit jusqu'ici au sein de la famille des RiPPs. D’un point de vue fonctionnel, nous avons montré que RumC1 est efficace pour combattre des isolats cliniques multirésistants à Gram Positif mais aussi pour éradiquer une infection péritonéale à Clostridium perfringens chez des souris infectées et ce, avec une dose inférieure à l'antibiotique conventionnel, la vancomycine. De plus, tout en maintenant une homéostasie globale du microbiome intestinal, RumC1 a montré des propriétés fonctionnelles supplémentaires et bénéfiques pour l'hôte telles que des activités de cicatrisation ou antiinflammatoires. Nos dernières recherches sur le mécanisme moléculaire ont révélé que, contrairement aux sactipeptides connus, RumC1 n'exerce pas un mode d'action porogène mais pénètre dans la bactérie cible, se colocalise au niveau de l'anneau septal et présente un effet létal rapide avec une inhibition des principales voies de biosynthèse des macromolécules.