Antibiorésistance en Tunisie : Surveillance, état des lieux et moyens de prévention
Boutiba-Ben Boubaker Ilhem1-2
1- Université de Tunis El Manar, Faculté de Médecine de Tunis, LR99ES09, Laboratoire de recherche « Résistance aux antimicrobiens », 1007, Tunis, Tunisie.
2- Hôpital Charles Nicolle, Laboratoire de Microbiologie, 1006, Tunis, Tunisie
La résistance bactérienne aux antibiotiques ou l’antibiorésistance est un problème mondial de santé publique qui n’a pas épargné la Tunisie. En effet, depuis une vingtaine d’années, notre pays fait face à un accroissement global des résistances bactériennes aux antibiotiques. Ce phénomène est dû à l’émergence et la diffusion de nouveaux mécanismes de résistance, rendant inefficaces les traitements antibiotiques actuellement disponibles. Ceci s’explique par une surexposition des bactéries aux antibiotiques en lien direct avec la surconsommation et le mauvais usage des antibiotiques. Cette situation, associée au ralentissement de la recherche en termes de nouveaux antibiotiques à l’échelle mondiale, conduit à des difficultés thérapeutiques, surtout pour les patients les plus vulnérables, qui développent souvent des infections associées aux soins.
Il s’agit d’un problème universel qui réclame une action coordonnée entre les différents secteurs et acteurs concernés, notamment les filières animales, l’environnement, la filière agricole, le milieu scolaire, la santé au travail, etc. Ainsi, la maitrise de cette antibiorésistance doit passer par une approche globale du phénomène pour mettre en place des mesures intersectorielles.
Conscientes de ce phénomène, les autorités nationales tunisiennes ont appelé à la mise au point d’un plan d’action national pour préserver l’efficacité des antibiotiques. Dans ce cadre, le concept d’une seule santé [« One Health »], mis en œuvre grâce à la collaboration tripartite OMS, OIE et FAO, et concrétisé par le plan global de l’OMS, le plan d’action de la FAO et par la stratégie de lutte contre l’antibiorésistance de l’OIE, résume l’approche à mettre en œuvre pour contrecarrer l’antibiorésistance. Cette menace sanitaire qui est perçue comme l’une des grandes priorités de santé, a amené l’OMS à émettre en Mai 2015 un plan d’action global et à recommander à tous les états membres d’élaborer un plan intersectoriel.
La Tunisie a rapidement adhéré à ces recommandations et a crée en 2015 un « comité technique de lutte contre l’antibiorésistance » en vue d’élaborer un plan d’action national qui a vu le jour grâce à la collaboration de différents experts nationaux et internationaux, et à l’appui de l’OMS, la FAO et l’OIE. Ainsi, un plan d’action national ambitieux a été mis en place et a été validé et approuvé en septembre 2020.
La surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques et de l’amélioration du travail des laboratoires de microbiologie à l’échelle nationale représente l’un des axes principaux de ce plan d’action. Dans ce cadre, un centre national de coordination de la surveillance et un laboratoire national de référence ont été nommés. Leur principale mission est la standardisation des données recueillies selon les normes internationales. En effet, les données nationales de surveillance de la résistance bactérienne, régulièrement mises à jour, servent de base pour mettre en place les différentes activités du plan d’action et de faire le suivi.