Étude de l'antibiorésistance de souches d'Escherichia coli isolées de poulets de chair- Emergence des souches BLSE/AmpC dans des élevages du gouvernorat de Sfax
Ben Salem Amenia, Ben Chehida Fatenb, Wafa Tombari, Nadia Jaziri, Dhahbia Bouceffa, Messadi Liliab

a Centre National de veille Zoosanitaire, Tunis
b École Nationale de Médecine Vétérinaire, Sidi Thabet, Tunis

De nos jours, la résistance aux agents antimicrobiens constitue un danger mondial pour la santé de l'Homme, des animaux et de l'environnement. Cette situation critique a été favorisée par l'intensification des élevages, particulièrement pour les volailles, ainsi que l'utilisation excessive des antibiotiques. Parmi les bactéries résistantes, Escherichia coli est devenu l'hôte principal des bêta-lactamases. Ces dernières sont associées à un phénotype multirésistant aux antibiotiques de différentes familles, responsables ainsi d'échecs thérapeutiques graves.

Notre travail avait comme objectifs de (1) déterminer la prévalence du portage digestif d'E. coli chez le poulet de chair de la région de Sfax, (ii) étudier les taux de résistance des isolats aux antibiotiques et (iii) détecter les principaux gènes impliqués dans la résistance aux ß-lactamines et à la colistine.

Cette étude a concerné 139 souches d'E. coli isolées à partir d'écouvillons cloacaux de poulets de chair âgés de 38 à 46 jours provenant de quatre fermes dans différentes régions du gouvernorat de Sfax, collectés entre février et mai 2019. L'étude de la sensibilité des E. coli vis-à-vis de 21 antibiotiques a été réalisée par la méthode de diffusion en milieu gélosé. Les gènes codant pour les bêta-lactamases, les céphalosporinases et pour la résistance à la colistine, ont fait l'objet d'une recherche moléculaire.

Les résultats phénotypiques montrent la présence de 127 souches d'E. coli multirésistantes (91,4%) ainsi que des taux importants de BLSE (54%) et de céphalosporinase AmpC (22,3%). Des taux de résistance élevés ont également été observés pour la tétracycline (99,3%), l'acide nalidixique (94,2%), le céfuroxime (90,6%), l'amoxicilline (89,9%), l'enrofloxacine (89,2%), la pipéracilline (85,6%) et la céfalotine (85,6%). Une fréquence importante a été enregistrée pour la colistine (25,9%), molécule de dernier recours en médecine humaine. Dans le cas des carbapénèmes, 2,9% des souches résistaient à l'ertapénème, antibiotique non utilisé chez les animaux. L'identification moléculaire des gènes de résistance pour les bêta-lactamases a été positive pour blaCTX-M-1 (62), blaCTX-M-9 (6), blaSHV (2), blaTEM (2), et les céphalosporinases blaCMY (26) et blaAmpC (5). La recherche du gène plasmidique mcr-1 s'est révélée positive chez tous les isolats résistants aux C3G (BLSE et céphalosporinases) (35/35), représentant une prévalence de 25,2%.

Ces résultats alarmants confirment la grande nécessité d'un contrôle rigoureux de l'utilisation des antimicrobiens, de la sensibilisation des vétérinaires au risque de l'antibiorésistance et des éleveurs aux dangers potentiels de l'automédication, de la surveillance au laboratoire de la résistance aux antibiotiques et d'un suivi rigoureux pour permettre une intervention efficace via des mesures correctives.